ESKARYNA

Jeunerium 11 tertior 248 AGG.

C'était le grand jour. Eskaryna était maintenant reconnue comme une shugenja du lion.

Ce matin, tout se passa différemment. On lui demanda de rassembler ses affaires au plus vite, de vider sa chambre et de se rendre au plus vite dans la bureau du grand Magister de l'école, la Maitre Kikosa.

Elle exécuta les ordres et bientôt se retrouva devant la porte du magister.

J'hésite quelques instants devant la porte. Impressionnée, non pas par sa forme, ni même par sa taille mais bel et bien par ce qui se trouvait derrière. Après une intense délibération intérieure, pour savoir si je devais frapper, attendre dans le couloir, m'annoncer d'une quelconque façon ou entrer directement -quoique j'abandonnai bien vite cette dernière possibilité- je me décide enfin à frapper, quoique mes coups furent si faibles que je doute même d'avoir été entendue. Reprenant un peu d'assurance je frappe, un peu plus fort et attends.

Une voix masculine retentit de derrière la porte.

-Entrez !

J'ouvre la porte, esperant de tout mon coeur qu'elle ne grince pas. Les portes ont cette fâcheuse tendance qui est de grincer aux pires moments; dans un endroit où tous dorment ? Entrez et la porte grincera. À une réunion importante, lors d'un grand silence ? De même. Entrer illégalement dans une maison ? Elle grincera toujours, par contre ouvrez la porte d'une cuisine bruyante, où tout le monde est omnubilé par son travail. À ce moment là la porte s'ouvrira sans un bruit, comme si un petit grincement aurait fait la moindre différence dans ce brouhaha. Et entrer dans le bureau d'un supérieur hierarchique, surtout du grand mestre, semble le moment idéal pour que la porte se mette à gémir.

Après cette étape des plus difficiles. Il me faut maintenant approcher. Ou peut-être devrais-je attendre qu'il me le demande ? Dans le doute je préfère attendre, au risque de passer pour une imbécile, je préfère ça plutôt que de le froisser.

Ouvra la porte donnant sur le bureau du Maitre Kikosa. Il était assis derrière son bureau, ce dernier était submergé de livres et de parchemins en tout genres.

La pièce était remplie de bibliothèques regroupant nombres d'ouvrage mais aussi des archives de l'école.

Le Maitre Kikosa était un humain de la soixantaine, les yeux noir et de longs cheveux grisonnants qui retombaient sur une barbe entretenue.

A coté de lui se tenait un autre homme, debout, vêtu d'un riche kimono de coton brodé de soie. Il avait la quarantaine bien tassée, les cheveux noirs attachés en chignon.

[Maitere Kikosa]

-Ah Eskarina, et bien entrez voyons, ne restez pas sur le pas de la porte.

J'observe l'homme près de Kikosa. L'avais-je déjà vu, ne serait-ce que croisé dans le couloir ? Il avait trop de personnes qui étaient quelquefois de passage dans l'école pour que je puisse me souvenir de tous les visages. Puis, après quelques secondes de réflexion sur l'identité de l'inconnu, je me rendis compte que je m'étais mise à le dévisager. Dévisager quelqu'un parmi une foule passe souvent inaperçu, mais ce n'est certainement pas le cas dans un comité réduit comme celui-ci. Détournant le regard je pénétre dans le bureau et m'incline pour saluer la magister et l'inconnu. Puis, agacée par mon mutisme, je me décide enfin à prendre la parole.

- On m'a dit que je devais venir ici au plus vite.

J'eus la soudaine envie de me gifler.

*Dire quelque chose, c'est bien mais ça ne fait pas tout, dire quelque chose d'intelligent c'est mieux. "On m'a dit de venir ici au plus vite", côté formule toute faite je n'aurais pas pu trouver pire. Quoique si, j'aurais très bien pu faire un commentaire sur les livres des étagères par exemple, ou même pis: utiliser une des formules d'usage telles que "comment allez-vous ?", ce qui n'était pas vraiment adaptée à la situation. J'aurais pu faire bien pire et je ne l'ai pas fait, c'est déjà un bon point... Je crois maintenant comprendre pourquoi mes professeurs tenaient tant à m'enseigner la façon de se tenir face à un supérieur. Pour éviter ce genre de situations...*

Le maitre Kikosa se releva et désigna l'autre homme de la main.

[Kikosa]

-Eskaryna je te présente le seigneur Dunro, l'un des cinq Kensei du clan.

Le seigneur Dunro resta muet se contentant de toiser Eskaryna du regard avec un air hautain.

Je souris à Dunro.

- Enchantée.

Certes j'avais été quelque peu apeurée en entrant dans la pièce. Mais le regard hautain de Dunro avait blessé mon orgueil, et fait perdre par la même occasion toute crainte. Pour ne pas lui rendre son regard je me plonge dans l'admiration de l'une des étagères et ne la quitte pas des yeux en reprenant la parole:

- On m'a aussi dit de rassembler mes affaires.

*Autant demander directement où tu vas triple buse. C'est plus rapide.*

[Kikosa]

-Oui, tu es maintenant une shugenja accomplie et il est temps que tu saches ce que voulait ton père. Dit-il en sortant un étui à parchemin de son bureau.

Il l'ouvrit et en sorti un vieux parchemin enrouler qu'il tendit à Eskaryna.

-Lit ce parchemin, il contient les volontés de ton père.

- Ah. Les volontés de mon père ? Euh... Merci. Mais est-ce bien utile ?

J'oublie totalement à qui je m'adresse face au ridicule de cette situation. Pourquoi poser sur papier ce dont il m'avait sans cesse parlé durant toute ma jeunesse ? Honneur, noblesse et tout le tralala habituel. J'ouvre tout de même le parchemin et entame ma lecture.